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Une femme et maman forestière

Comment je vis ma vie de femme et maman forestière?


“Peu importe la difficulté physique et morale que peut entraîner le travail qu'on entreprend, avec de la persévérance et de l'amour pour ce qu'on fait, on peut y parvenir. Être mariée et mère n'est pas un handicap dans notre travail. Ces êtres qui nous sont chers peuvent, au contraire, être d'un grand support dans la réalisation de notre passion.”

Manoa H. RAJAONARIVELO

Invitée, Kintana Magazine Ed. 3 - Mars 2021




1- Qu’est ce qui vous a attiré dans cette carrière de forestier?


Au collège, j’ai intégré le scoutisme à partir duquel j’ai pu apprécier les aventures en nature et le contact avec les gens. Arrivée au lycée, j’ai eu l’opportunité d’être sélectionnée dans un groupement de personnes amoureuses de la nature appelé “MADSONW”. Cette association m’a permise de me transmettre cet amour de la nature. Après mon bac, j'ai alors décidé de me spécialiser dans le domaine de la foresterie et de l'environnement. J’ai voulu découvrir la splendeur de Madagascar et je voulais pouvoir apporter ma part dans la gestion durable de nos richesses, notamment nos forêts. C’est mon parcours en agronomie à l’Université qui a réellement modélisé ma passion pour une plus ample considération des gens dans cette pensée de conservation et de gestion des ressources naturelles.


2- Quels sont les types de difficultés que vous rencontrez dans votre travail?


Le domaine forestier expose souvent à des difficultés tant d'ordre physique que moral. Il a même longtemps été considéré comme fait pour les hommes du fait des activités jugées trop "intenses" pour les femmes, "fragiles" dit-on assez souvent... Les activités de terrain demandent un temps d’adaptation intense, par exemple, pour apprendre à manier une moto pour conduire sur route secondaire, à marcher de nombreuses heures à pied, à s’aventurer dans la forêt seule ou accompagnée, à s’intégrer dans les régions rurales enclavées, et de ce fait, s’habituer à ne pas accéder à l’électricité et à l’eau courante durant des jours. Quant aux activités de recherche, elles requièrent une implication entière tant à la maison qu’au bureau (des heures devant l’ordinateur à réfléchir, planifier, et écrire). Entre autres, être forestier demande une condition morale et physique en béton.


3- Comment décrivez-vous une journée normale de travail avec les activités typiques jugées “intenses”?



Quand j'occupais encore le poste d'une socio-organisateur, une journée normale consistait à se déplacer à moto pour parcourir de nombreux fokontany afin de superviser les pépiniéristes, de vérifier les terrains à reboiser, de surveiller les reboisements effectués entre autres. Il y avait aussi des parties administratives et techniques pour le suivi des activités. Sinon, tout était très physique 😄. Actuellement, une journée en tant que chercheur peut varier. Sur terrain c’est plutôt les heures passées dans la forêt ou à marcher et à discuter avec les communautés locales pour collecter des données (inventaire, enquête ou entretiens). Arrivée à la maison et/ou au bureau, c’est plutôt une journée consacrée à l’ordinateur jour et nuit. Je me lance plutôt aux activités de rapport et de synthèse, d’analyse des données, de recherche bibliographique et à la rédaction.


4- Avez-vous une anecdote de terrain dans laquelle vous demontrez votre potentiel en tant que femme, par rapport aux attentes des collegues et l’intensité du travail?


L'année dernière, nous avons dû rejoindre un fokontany Ambodivoahangy, inaccessible à tout moyen de transport mécanique sauf à pied. Le guide local a voulu nous avertir que ce n'est pas une bonne idée de faire l'aller-retour en une journée, peut-être car je suis une femme de ville typique😅. Etant donné que nous avions des contraintes de temps à respecter, nous avons tout de même effectué l'interview plus le déplacement en 8 heures. Il a été ébahi !


5-Qu’est ce qui a changé depuis que vous êtes devenue une maman et une mère de famille?


Face à ces défis, je n'ai tout de même pas renoncé à mon travail et à ma passion quand je me suis mariée et est devenue maman. J'ai juste réorienté mes activités dans le monde de la recherche environnementale qui m'a toujours aussi intéressé. Mon but reste le même: “Comment puis-je apporter ma part dans la gestion durable de nos ressources forestières?”. Il est vrai que j’ai plus de mal à partir loin pour les travaux de terrain ou autres. Néanmoins, je suis contente de pouvoir continuer à interagir avec lesgens des communautés locales, mais je ne reste plus des mois sur le terrain. J’ai choisi un travail qui me permet d’être là pour ma famille et en même temps qui m’inspire et répond à mes convictions.


6- Comment votre conjoint réagit à vos absences?


Disons que j'ai de la chance! Enfin, pas tellement de la chance en fait, car on a le choix du conjoint. Cela ne lui pose aucun problème, il était déjà conscient des enjeux de mon futur travail dès que nous étions à l’université. Pour sa part, il s'occupe très bien de notre petit, et ce, depuis toujours. Cela me rassure énormément lorsque je ne suis pas là.


7- Existe-t-il des moments de doute ou de fatigue auxquels vous avez fait face? Comment gérez-vous ces moments-là?


Pour moi, chaque jour est un défi afin d’apprendre à gérer de mon mieux mon temps, pour

s’occuper de la famille, du foyer, de passer du temps avec les êtres chers, de travailler et de prendre soin de moi. Ce n'est pas souvent facile, jel'avoue. Il y a des moments où je suis très fatiguée et durant lesquels je me pose un tas de questions. Durant ces moments, je prends souvent la peine de me reposer et de méditer. Il se peut aussi que je fasse appel à mes proches pour être soutenue et/ou pour alléger mes émotions. Toutefois, la plupart du temps, quand j’ai le morale à zéro, je me souviens qu’il faut “ être fidèle dans les petites choses de la vie ” pour espérer avoir de grands impacts. Cela me motive à me relever et à continuer ma route.


8- Comment pensez-vous transmettre votre passion et votre style de vie à votre enfant et à la génération future?


Etant donné que j’ai été convaincue de l’importance de la nature grâce à des activités de découverte ; avec mon mari, on essaie de faire de même en initiant notre enfant à sortir à la campagne de temps en temps, s’aventurer dans les forêts et voir de nouveaux paysages. Au moins, qu’il sache cette passion et, qui sait, peut-être cela se transmettra en lui. J’aimerais aussi initier des éducations environnementales pour les enfants, via des activités et des partage, je suis encore en train de planifier comment agir.



A propos de l’auteur: Manoa H. Rajaonarivelo est Ingénieur agronome de formation à l'Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques. Actuellement, elle est doctorante à l'Ecole Doctorale de Gestion des Ressources Naturelles et Développement, et chercheur associé du projet de recherche Forest for climate and People.


Pour en savoir plus sur Kintana Magazine, cantactez-nous par email: ikalabekintana@gmail.com

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